Un agent montre l'utilisation d'une tablette à des petits agriculteurs. Photo de Hailey Tucker. Concours photos CGAP 2017.

Dans les pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), le nombre d’IMF a ainsi été multiplié par sept entre 1993 et 2011 passant de 100 à 770. Face à l’essor de la microfinance, les institutions régionales ont mis en place des dispositions pour encadrer l’activité des IMF. L’harmonisation réglementaire régionale est la condition préalable au développement pérenne de la microfinance au sein d’un écosystème stable et performant.

UNE LÉGISLATION EN DEUX TEMPS…

L’UEMOA a adopté en 1993 une première loi visant à harmoniser le statut juridique des IMF au sein de la zone. Cette loi, dite PARMEC permettait aux Ministères des finances nationaux de délivrer des licences d’exploitation exclusivement au coopératives de crédit et aux coopératives financières. Le secteur de la microfinance était ainsi parfaitement harmonisé sur un plan statutaire mais présentait des lacunes et des disparités en termes de d’octroi des agréments, de rigueur du reporting et de surveillance micro prudentielle. L’absence d’autorité de supervision indépendante constituait par ailleurs une faiblesse importante dans le cadre juridique ainsi établi par cette loi.

La loi PARMEC a connu une révision en 2007. Cette réforme a conduit à l’émergence de nouveaux services, fournisseurs et investisseurs. Tandis que le secteur microfinancier ouest-africain était jusque-là dominé par les institutions à but non lucratif, la nouvelle loi uniforme de 2007 entend favoriser le développement d’entreprises à but lucratif dans le secteur et moderniser les structures existantes.

En outre, la BCEAO assure le rôle de superviseur indépendant parallèlement à l’action de contrôle sur place et sur pièce exercée par les régulateurs nationaux. Cette institution est chargé de l’octroi de tous les agréments concernant des IMF dont l’encours de crédit ou d’épargne dépasse 4 millions de dollars. Les IMF de moindre importance restent dans le giron des Ministère des Finances nationaux et ont vocation à fusionner afin d’asseoir la supervision de la BCEAO sur l’ensemble du secteur à moyen terme. Les règles prudentielles ont également été renforcées notamment grâce à l’introduction de référentiels comptables spécifiques au secteur de la microfinance et à l’obligation faite aux IMF de certifier et auditer annuellement leurs comptes et états financiers.

… QUI PEINE À ASSURER LA VIABILITÉ ET LA BONNE GOUVERNANCE DES IMF

Si cette réglementation permet de superviser l’activité des IMF, elle ne suffit pas à assurer la viabilité et la bonne gouvernance de ces institutions. Selon une étude menée par la CGAP (Consultative Group to Assist the Poor ) en novembre 2012, 14 IMF étaient placées en statut d’administration provisoire en zone UEMOA fin 2011, considérant qu’elles constituaient une menace pour leurs clients. Il ressortait de cette enquête que la mauvaise gouvernance est la principale cause de faillite pour les IMF. Les conseils d’administrations sont souvent lacunaires et exercent un contrôle inefficace sur l’activité des institutions financières et leur exposition aux risques prudentiels. En outre, des défaillances sont également notables en matière de systèmes d’information et de gestion et de contrôle interne.

Contrairement au système bancaire où la supervision paraît plus stricte et rigoureuse, les IMF paraissent jouir d’une supervision plus souple et qui induit des manquements dans leur gestion. Faire face à cette situation, nécessitera un dispositif réglementaire plus rigoureux et un mécanisme de contrôle plus robuste.

  • La BCEAO et les régulateurs nationaux devraient bénéficier d’une extension de leurs ressources humaines et financières afin de pouvoir assurer la supervision prudentielle des établissements financiers dans de meilleures conditions. .
  • Conserver le système d’agrément unique mais le rendre renouvelable tous les ans. Toutes IMF quel que soit leur statut juridique seraient ainsi tenus de rendre des comptes (rapport d’audit de performance, d’audit IT et d’audit financier) chaque année à l’autorité de supervision afin de voir leur agreement renouvelé. En cas de non présentation des trois rapports d’audit, l’IMF se verrait sanctionné.
  • Un forum annuel des membres de Conseil d’Administration des IMF pourrait être organisé au sein de la zone UEMOA afin de rappeler les prérogatives de ces entités, de permettre des séminaires de formation auprès d’experts internationaux et d’encourager la diffusion de bonnes pratiques. A ce titre, la participation des cadres des institutions financières aux séminaires de formation déjà existant serait rendue obligatoire.
  • La création d’associations des clients et petits épargnants est souhaitable afin de permettre aux consommateurs lésés par les IMF de se porter partie civile en cas de fraude ou de malversation conduisant à des pertes dommageable. Ces associations devraient pouvoir bénéficier d’au moins un représentant au sein du Conseil d’Administration de leur IMF ainsi que d’un droit de veto compte tenu du caractère social et participatif inhérent au secteur de la microfinance.
  • La BCEAO devrait encourager l’assainissement de la relation établie entre les clients et les IMF en développant les principes de protection de la clientèle (smart campaign) et en favorisant l’émergence de réseaux de clients. En effet, l’institutionnalisation de réseaux et de plateformes de dialogue entre les gérants de l’IMF et les bénéficiaires serait utile. A ce titre, les femmes représentant 73% de la clientèle des IMF en 2013, les IMF devraient organiser des rencontres régulières favorisant la mise en place de réseaux à échelle locale ainsi que le partage d’expérience entre femmes micro-entrepreneurs. La BCEAO pourrait dès lors, favoriser la numérisation et l’informatisation des services proposés par les IMF afin de renforcer le contrôle exercé par la clientèle sur la gestion de l’IMF.
  • Enfin, les outils méthodologiques d’analyse du risque devraient être standardisés afin de permettre une publication plus régulière des données de la part des IMF et de pouvoir ainsi déclencher les procédures de d’administration provisoire de façon précoce. La réduction des délais d’intervention permettra de redresser les IMF en difficulté avant que leur situation ne soit trop dégradée.

L’harmonisation règlementaire permettra à l’UEMOA de se doter d’un écosystème microfinancier performant tout en favorisant le développement économique à l’échelon local. Dans un contexte de décentralisation et de désétatisation des activités économiques enclenché depuis le second choc pétrolier, le  développement des Etats ouest-africains passe non plus seulement par la politique économique menée par l’Etat mais également par les investissements et projets entrepris par les collectivités locales. Ces dernières s’adaptent mieux aux besoins et aux réalités du terrain et devraient pouvoir s’appuyer sur un réseau dense et stable d’IMF pour mener à bien leurs activités. Les ressources des collectivités locales, qui sont aujourd’hui principalement composées de recettes fiscales pourraient s’accroitre de façon significative si leur accès aux innovations financières était garanti par un ensemble d’IMF strictement règlementé et régulé.

Source : www.findevgateway.org

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